Réglementation ANC: la phytoépuration en régime d'exception

Publié le 13 Octobre 2009

Pour mémoire

Historiquement, en France, la filière épuratoire dite de Filtres Plantés de Macrophytes - ou phytoépuration - a été développée par les travaux importants d'un organisme public de recherche, le Cemagref, eux-mêmes largement inspirés de la prescience et des réalisations du Dr Kate Seidel, dont celles de Saint-Bohaire (lire Saint-Bohaire, une phytoépuration pionnière).
Le relai aura ensuite été pris par des bureaux d'études (Sint, Atelier Reeb,...) pour améliorer et implanter ce procédé rustique sur le territoire.
Filière technique sujette à une multitude de variations dans ses détails, le brevetage, s'il a parfois été pratiqué à dessein commercial, ne s'en est révélé que plus superflu. Il n'est pas peu important de dire que cette ouverture à tous aura profité au plus grand nombre, tant il est vrai que chacun bénéficie dorénavant des apports et trouvailles astucieuses de tel ou tel autre.

Quid de la phytoépuration dans le nouvel arrêté?

Après la 6ème édition des Assises de l'Assainissement Non Collectif  (ANC) à Evreux, les arrêtés encadrant la profession ont été publiés au Journal Officiel (link), et il sera exclusivement fait mention ici à celui fixant les prescriptions techniques applicables aux installations d'assainissement non-collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5.
En préambule, on peut d'ores et déjà se satisfaire des modifications notables apportées au sort de la phytoépuration. Souvenons-nous en effet de cette phrase qui nous compliquait sérieusement la tâche.
Article 3, alinéa 5 (link): "Les installations mettant à l'air libre ou conduisant au ruissellement en surface de la parcelle des eaux usées brutes, prétraitées ou traitées, sont interdites".
C'était il y a un an, la version présentée aux Assises de l'ANC 2008, puis diffusée à la Commission européenne.
Dans ce nouvel arrêté, dorénavant en application donc, on n'extraira pour les besoins de cet article que deux points, ceux explicitement ou implicitement relatifs à la phytoépuration:
  • Art. 2, alinéa 5: "Les installations mettant à l'air libre ou conduisant au ruissellement en surface de la parcelle des eaux usées brutes ou prétraitées doivent être conçues de façon à éviter tout contact accidentel avec ces eaux et doivent être implantées à distance des habitations de façon à éviter toute nuisance".
Au regard de la copie rendue en 2008, on ne peut considérer sur ce point le millésime que bien meilleur, nettement moins bouchonné. C'est incontestablement, toilettes sèches mises à part (art. 17), le point positif du texte.

  • En général, quand une phrase se termine à la manière de la précédente, c'est pour embrayer sur plus douloureux. Alors en route! Et la route est longue. A l'heure actuelle, cette voie est amenée à être empruntée par deux usagers: la phytoépuration et les microstations (dans leur acception la plus large de cuves enturbinées). Mais quand ces derniers sont invités à rouler sur un boulevard, le chemin des premiers relève davantage du sinueux raidillon montagnard...
La procédure de validation des procédés autres que ceux décrits dans l'arrêté est clairement énoncée dans ses annexes 2 & 3. Deux annexes et l'emploi du pluriel apparaît nécessaire à l'évocation de la méthode:

- La première procédure concerne les dispositifs marqués CE. Après un intense lobbying, à Bruxelles, sur les bancs du Sénat (lire Spanc Info n°8, mars 2009, ou link), et partout, les fabricants de microstations auront donc obtenus que leur soit réservé un sort enviable: une "Procédure d'évaluation simplifiée" (annexe 3), simple dossier papier à déposer pour signature.
Et ce alors même que les travaux menés par Véolia sur la plateforme du CSTB indiquent clairement des faiblesses et des insuffisances (des inappropriations?) de la plupart de ces procédés après trois années d'essais (prochainement consultable ici: link).

- La seconde s'applique aux autres procédés, c'est-à-dire, en l'état, uniquement à la phytoépuration (considérée au sens large, étant bien entendu que de grandes différences de configurations techniques  -voire de divergences de vue- existent parmi ses promoteurs). Le protocole est consultable à l'annexe 2 de l'arrêté.
Sans s'apesantir sur les aspects techniques des essais auxquels seront soumis les filières, notons en la durée. Dans la configuration la plus optimiste, ce sinueux raidillon pourrait être franchi en un peu plus d'une année. La montagne, ça nous gagne...

Objections

Le débat sur les microstations n'est pas l'objet de ce billet. On évitera donc soigneusement de s'y attarder
, non sans noter que la différence de traitement a quelque chose de choquant.

Considérons d'ailleurs ce traitement et objectons lui les griefs que, à mon humble avis, il mérite et en particulier du fait des conséquences qu'implique la méthodologie retenue:


- Son coût, venons-y directement. Annoncé entre 50000 € et 60000 €, ce passage sur plateforme est financièrement très lourd. Car il s'agit bien ici de faire valider une filière, et non un produit manufacturé sur laquelle la marge se fait plus substantielle...Ce montant engendrera une sélection stricte des acteurs de la phytoépuration, selon leur capacités financières, probablement dommageable à la filière.


- Sa durée peut s'avérer pénalisante pour son pétitionnaire qui, pour exister et financer ces essais, se doit de travailler parallèlement. Sans cette dernière condition, la lourdeur du protocole pourrait ironiquement engendrer sa propre rupture en cours, faute de finances et d'acteurs pour le solliciter. On peut en appeler sur ce point à la souplesse de spancs en l'attente du si prisé agrément...


- Sa rigidité, dans la conception technique des ouvrages. Seules seront de fait agréées les filières ayant pu, telles que réalisées alors, passer avec succès les nombreux essais. On risque donc là de freiner considérablement, et à contre-courant de la manière dont s'est développée la technique en France, l'innovation technique et les bienfaits qu'on peut en attendre (diminution des coûts, amélioration du fonctionnement, amélioration de l'écobilan,...)


- Sa méthode en elle-même, car c'est bien là le point qui agglomère les trois précédents. Des installations de phytoépuration en ANC, on peut, sans prise de risque aucune, affirmer qu'il en existe quelques centaines sur le territoire, toilettes sèches ou pas, déclarées ou non, avis favorables ou défavorables. Des installations pilotes potentielles, il n'en manque donc pas avec, pour les moins récentes, un recul de plusieurs années certainement intéressant et exploitable techniquement et scientifiquement. Avec, pour toutes, des données valables et réalistes puisque en situations réelles.

Sûr que la procédure, quoique pas nécessairement moins longue, en aurait été moins onéreuse et tout autant valable. Rappelons à ce sujet que des acteurs de la phytoépuration ont su s'organiser et anticiper ce besoin de résultats fiables (voir les travaux de l'association Eau vivante: link, et surtout ceux d'Aquatiris: link). Dans l'esprit de beaucoup, l'enjeu était désormais moins de prouver des performances épuratoires que de valider des mesures de protection sanitaire satisfaisante eu égard à la présence d'eaux usées en surface.

On pourrait parallèlement imaginer un suivi particulier des modifications apportées aux filtres, ouvrant ainsi la voie à une dynamique d'amélioration permanente selon les critères définis plus avant.

 

 

Si la phytoépuration se trouve en bien meilleure configuration qu'elle n'avait pu l'être en 2008, elle ne s'en trouve donc pas moins placée en régime d'exception, et un régime plutôt lourd et enkylosant.




Rédigé par Sébastien

Publié dans #Réglementation

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E
<br /> Merci beaucoup!<br /> <br /> <br />
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E
<br /> Ok,<br /> Je vois bien.<br /> Donc par contre pour un particulier il doit necéssairement passer par un professionnel? Et toute structure qui voudrait s'installer devrait passer comme vous par un agrément de l'Etat et passer les<br /> tests sur 15 mois?<br /> Merci de votre réponse!<br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Oui, actuellement la réglementation est celle-là.<br /> <br /> <br /> <br />
E
<br /> Bonjour,<br /> Et depuis cette date la réglementation n'a pas évoluée?<br /> Merci<br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> La réglementation en elle-même non.<br /> <br /> <br /> En revanche, de notre côté avec Aquatiris, nous avons suivi un protocole de validation et sommes en cours de validation. En clair, nous pourrons, une fois cet agrément obtenu, proposer des<br /> filtres plantés pour la maison individuelle dans un cadre réglementaire.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Sébastien<br /> <br /> <br /> <br />